Suite à leur élection le 6 mai à Madrid, Florence Jacob, présidente de l’APFP, et James Hagger, en charge du pôle des affaires internationales de l’APFP, entrent au bureau du CFP-E, la fédération européenne des producteurs de films publicitaires.

En raison d’un changement de gouvernance, le nouveau board du CFP-E, représentant 23 pays et plus de 900 sociétés de productions indépendantes, est désormais composé de 6 pays : la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande, la Grèce et l’Italie.

Florence Jacob et James Hagger nous expliquent les enjeux et les objectifs de la nouvelle organisation du CFP- E. C’est l’occasion également de faire le point sur la situation de la production publicitaire française avec François Brun, vice-président de l’APFP, et sur les actions en cours de l’association.

 

PSM : Quel est le but de la réforme de gouvernance du CFP-E qui vous amène à prendre la coprésidence de cette fédération ?

FLORENCE JACOB : L’objectif est la montée en puissance du CFP-E dans le cadre de négociations de certains contrats européens avec les agences et/ou les marques, pour intervenir plus tôt lorsque des clauses problématiques apparaissent dans certains contrats.

Nous souhaitons mutualiser nos connaissances et nos forces pour que les producteurs de toute l’Europe puissent continuer à produire dans de bonnes conditions écologiques, économiques et sociales. Le but est de renforcer la visibilité du CFP-E et d’en faire un outil de protection pour tous les producteurs européens de films publicitaires et d’établir des ponts avec les agences et les annonceurs dans un respect mutuel.

Comme nous l’avons fait en France avec le collège publicité de l’UPC, nous souhaitons réunir les protagonistes phares de notre secteur autour de la table des négociations. C’est uniquement en réunissant nos confrères européens les plus puissants — qui par ailleurs sont souvent consultés par les annonceurs en direct — que nous comprendrons les problématiques des différents pays et que nous pourrons avancer ensemble pour retrouver une certaine éthique dans notre métier. Je crois vraiment que l’union fait la force.

Une plus grande prise en compte des questions de RSE et d’éco-responsabilité au niveau mondial est un des enjeux des prochaines années. En effet, nous constatons de plus en plus fréquemment les problèmes de comportement de nos clients lors des tournages, des tensions inutiles, des pressions insoutenables pour les producteurs et leurs équipes.

 

PSM : Avez-vous d’autres objectifs ? Quelle est votre feuille de route ?

JAMES HAGGER : Nous souhaitons également généraliser la mise en place des lettres de briefs que nous avons rédigées l’année dernière. Nous souhaitons qu’elles deviennent systématiques et complètes.

Nous allons plus fortement soutenir les réalisateurs et les aider à se défendre et à travailler dans de bonnes conditions en totale synergie avec les producteurs. Nous sommes en train de mettre en place des groupes de travail et des task force pour cibler les problèmes et trouver des outils pour les régler.

Il est encore trop tôt pour dévoiler la totalité de notre feuille de route mais elle sera prête à la rentrée 2022.

 

PSM : L’APFP a démontré son implication et son dynamisme dans la gestion de la crise sanitaire pour le secteur en France avec de nombreuses propositions adoptées par les autres pays, ce que consacre en quelque sorte cette nouvelle coprésidence française au niveau européen. Aujourd’hui, comment se porte la production publicitaire en France ?

FRANÇOIS BRUN : Nous avons repris à des niveaux très proches de 2019. Contrairement à d’autres secteurs, comme nous avons pu en discuter avec Packshotmag en 2020, nous avons repris nos activités très vite. Nous avons recentré nos tournages en France et en Europe.

Dernièrement, la guerre en Ukraine a modifié les destinations sur les pays de l’Est. L’Ukraine était une destination très intéressante financièrement avec une très bonne qualité d’exécution. La plupart de ses producteurs et productrices ont rejoint la Bulgarie, la Hongrie, la Serbie ou d’autres pays de l’Est avec une partie de leurs équipes pour continuer à produire. Du coup le marché s’est redéployé en Espagne et au Portugal, mais aussi dans le sud de la France.

S’ajoutent des difficultés de tournages en France, dues au manque de techniciens et de matériels face aux nombreuses productions de fiction et de séries, notamment pour les plateformes.

Pour toutes ces raisons, il va falloir s’attendre à l’augmentation du coût des matériaux et des salaires et ce dans l’ensemble des pays européens.

 

PSM: Quelles sont les principales actions en cours de l’APFP?

FLORENCE JACOB : Les négociations extrêmes sur les devis mènent à des grandes tensions. Cela a également des répercussions sur les tournages qui sont de plus en plus compliqués et dont l’atmosphère est souvent électrique. C’est pourquoi nous avons très rapidement mis en place des groupes de travail avec les différents acteurs de notre secteur pour voir comment modifier les comportements de certaines personnes.

Nous travaillons notamment étroitement avec certains présidents d’agence et avec les TV producteurs que nous souhaitons voir comme des alliés pour modifier les comportements et ramener la création d’excellence et la production de haut niveau au centre de nos métiers. Nous avons également sollicité les conseils en productions afin qu’ils nous soutiennent dans nos démarches pour plus de RSE.

Notre objectif est de rédiger une grande charte posant des principes à respecter lors de la préparation, pendant et après les tournages.

Le Covid n’a pas changé la nature de notre métier de producteur. Nous restons des artisans qui sont dépendants des fluctuations du marché pour mettre en place nos tournages. Nous ne construisons pas des voitures, nous travaillons avec de l’humain à travers le monde et avec des règles qui varient en fonction du pays où on tourne.

Cette réalité ne se reflète absolument pas dans certains contrats annonceurs qui circulent actuellement à travers l’Europe.

 

PSM : Est-ce que le secteur semble accorder plus d’importance aux enjeux de RSE ?

FLORENCE JACOB : Oui, clairement. Et c’est aussi une demande très forte de nos adhérents.

Nous souhaitons que nos tournages soient plus éco-responsables et plus respectueux de toutes les diversités.

La lutte contre les VHSS (violences et harcèlements sexuels et sexistes) est aussi une de nos grandes priorités. Nous avons beaucoup travaillé avec les CCHSCT cinéma et audiovisuel pour aboutir à  un kit très utile pour les producteurs et les salariés.

L’objectif est de sensibiliser toutes et tous aux violences sexistes et sexuelles et de permettre la présence sur les plateaux de référents ayant suivi des formations relatives à ces enjeux. Je suis déterminée à faire changer les mentalités sur ces sujets et nous allons travailler en étroite collaboration avec les associations concernées.

Nous devons être conscients qu’aujourd’hui les salariés recherchent du bien-être dans leur cadre de travail. Les mentalités ont beaucoup évolué et nous devons nous adapter. Les systèmes de hiérarchie verticale sont en train de disparaitre. C’est pourquoi nous devons réfléchir collectivement à l’avenir de notre filière. Je prendrai ma part dans ces évolutions.