
DECRYPTAGE DE LA CAMPAGNE DES 70 ANS D’ALPINE SIGNEE BETC ÉTOILE ROUGE
Interview des créatifs NICOLAS LAUTIER, MARTIN ROCABOY et ERIC ASTORGUE et du réalisateur ANTOINE BARDOU-JACQUET / PARTIZAN + breakdown de GUILLAUME MARIEN/ MATHEMATC
Pour les 70 ans d’Alpine, BETC Étoile Rouge signe un film épique réalisé par Antoine Bardou-Jacquet et produit par Partizan. Ambitieux, spectaculaire et original, le film trace sa route singulière dans le paysage publicitaire automobile, voire publicitaire tout simplement. En 2mn 53 chrono, défile l’histoire d’Alpine depuis ses origines jusqu’à nos jours, sous l’impulsion de son créateur Jean Rédélé à la conviction bien ancrée : la légèreté est une force. Une épopée historique au rythme des courses victorieuses de la marque, sans temps mort et à l’exécution remarquable qui mêle habilement réel et illustration. Au volant de cette campagne qui sort du lot, Nicolas Lautier, ECD , Martin Rocaboy, copywriter et Eric Astorgue, directeur artistique, reviennent aux origines de ce projet trépidant.
PSM: Pourquoi raconter l’histoire de la marque ? Et pourquoi à travers la BD, ou plus précisément avec le passage des étapes historiques tournées en réel à la BD et à l’animation ?
Martin Rocaboy
En fait, ça va vraiment avec l’idée. Quand on a été contacté par Alpine, il y a un peu plus de six mois, on s’est posé la question de si on voulait faire un film historique ou pas. Parce que, comme à chaque fois qu’on a un nouveau client, on s’est plongé dans l’histoire de la marque et on a découvert qu’elle avait une histoire vraiment fascinante. On s’est rapidement dit que ce serait quand même super de pouvoir reraconter cette histoire-là et la visualiser. Et toute la partie BD et projection dans la BD, c’est tout simplement l’illustration du fait de l’imaginaire de l’enfant, qui en jouant avec des voitures ou en lisant un livre, se projette dans des histoires incroyables. Et c’est pour ça qu’on a récupéré l’univers de la BD avec notamment la référence de Michel Vaillant, qui apparaît dans le film.
Eric Astorgue
Pour compléter ce que dit Martin, c’est vrai que nous à l’âge qu’on a, notre génération, on sait ce que c’est Alpine, mais en fait peu de gens des nouvelles générations la connaissent. On avait besoin de recharger le passé de cette marque.
Nicolas Lautier
On a besoin de reposer les bases de cette marque-là et on ne peut pas créer une légende si les gens ne connaissent pas son histoire. Toute légende a son histoire. Et ce ne sont pas toutes les marques qui ont un historique en plus assez fort de 70 ans avec un vrai créateur qui était Jean Rédélé avec une vraie philosophie, qui a drivé toute l’évolution de la marque depuis ses débuts et qui est la légèreté, et que la marque continue à mettre en avant, même si sur le papier les voitures sont plus lourdes.
Martin Rocaboy
Ça explique vraiment la façon avec laquelle Alpine est en train de concevoir ses nouvelles voitures qui sont des voitures électriques, pour qu’on y retrouve les sensations de conduite qu’on a avec les thermiques. Les tests faits récemment sur l’A390 qui est électrique, qu’on révèle à la fin du film, ont démontré qu’elle apporte les mêmes sensations de conduite que l’A 110 moderne qui est une voiture thermique.
Nicolas Lautier
C’est d’autant plus important d’avoir des bases très solides, non pour regarder dans le rétro, mais pour se projeter derrière après sur les prochains modèles, il y a plusieurs lancements Alpine prévus, et avoir une communication qui soit assez logique et pérenne.
Ensuite, l’écueil de ce genre de film, c’est de faire un film « Wikipedia » et de se retrouver à faire un enchaînement de « scénettes » et de reraconter la marque quasiment sous forme de documentaire, même si ça peut être avec le meilleur craft du monde. Il fallait donc avoir une forme. C’est là que Martin et Eric sont revenus avec une forme qui est finalement hyper logique, et apporte la simplicité de l’exé. Quand vous regardez Michel Vaillant, etc. Alpine est très ancrée dans l’univers de la BD de l’époque. C’était donc un moyen assez logique pour nous de pouvoir retracer cette histoire assez folle sans tomber dans un film de références historiques avec un enchaînement de vignettes avec les différentes étapes de la marque, finalement ce n’est pas très enlevé après graphiquement sur le produit fini. D’un point de vue métaphore très simple, ce sont aussi les pages qui se tournent, c’est vraiment le livre de l’histoire d’Alpine.
Ce qui est aussi puissant dans la narration du film, c’est que chaque étape marquante au fil du temps reprend le style des BD de l’époque. Aviez-vous des références précises de BD, d’albums pour marquer cette évolution ?
Eric Astorgue
Les références, c’était les époques en fait. Les années 50, c’est Tintin, 60 Blake et Mortimer, etc jusqu’à arriver à des formes plus modernes. C’était vraiment l’époque qui déterminait le style.
Nicolas Lautier
L’autre intérêt de la BD, c’est son évolution avec le temps, les traités ont énormément évolué, de la ligne claire aux mangas. Il y avait donc une certaine logique à faire évoluer le traité en fonction des époques du film. Encore une fois, un écueil à éviter absolument quand on fait un film historique, c’est d’être passéiste. Nous avons énormément besoin de raconter l’histoire d’Alpine qui a 70 ans. Il faut donc raconter 70 ans, qui sont très peu connus du grand public ou seulement des fans. Et il faut faire attention à ne pas avoir non plus un traité qui fasse que vieillot. C’est à dire de rester que dans le style Blake et Mortimer par exemple qui pourrait laisser « une trace un peu plus poussiéreuse » sur le film, alors qu’en fait c’est une marque qui redémarre, qui a beaucoup d’avenir. L’idée de faire évoluer les traités c’était une manière aussi logique que graphique de ne pas s’ancrer dans une temporalité trop précise et de montrer que la marque est en pleine évolution.
Le film raconte sur un rythme effréné le plaisir de la conduite centré sur la performance pure, comme les pubs auto à grand spectacle des années 80 avant les réglementations que l’on connaît. C’est l’avantage de faire un film historique? Quelles en sont les contraintes ?
Martin Rocaboy et Eric Astorgue
L’ADN d’Alpine, c’est vraiment le plaisir de conduire. Donc on est à chaque fois sur cette limite. Effectivement, c’est difficile de montrer le plaisir de conduire sans évoquer la vitesse. Et après, quand on est sur un film historique, on a le droit de montrer les faits tels qu’ils se sont passés. On a donc fait des reconstitutions fidèles des courses à chaque fois. On a travaillé avec les historiens d’Alpine, il y a plusieurs personnes en interne qui sont responsables de tout l’historique d’Alpine, de toute la mémoire. Nous sommes allés rechercher dans toutes les archives, tous les plans qu’on a sont travaillés à partir des photos d’archives, Toutes les références. Les voitures sont les vraies voitures d’époque qu’on a retrouvées, qu’on a ramenées. Donc quand on les voit en train de courir Le Mans, c’est la vraie voiture qui a couru Le Mans à l’époque. On avait les techniciens de Renault qui étaient sur place pour nous aider à démarrer les voitures, les faire rouler, les faire avancer. Donc tout est historiquement complètement checké. Et à partir de ce moment-là, quand on est dans la logique historique, on a le droit de reconstituer les courses telles qu’elles ont existé.
Nicolas Lautier
L’avantage, c’est qu’effectivement, sur un film historique, comme le disaient Martin et Eric, on a le droit parce qu’on raconte ce qui s’est passé exactement. Ce qui nous impose donc aussi d’être hyper rigoureux sur tous les points de détail pour qu’on soit juste à l’image et absolument juste sur l’historique. Donc d’une contrainte, en fait ça devient une opportunité. Après, la problématique avec Alpine, c’est que sont des voitures qui vont vite. Ça va être un peu plus délicat pour nous pour le lancement prochain de l’A390, qui fait 450 chevaux et qui a exactement les mêmes performances sur circuit qu’une A110, ce qui est assez étonnant parce qu’on parle d’un SUV qui se conduit exactement pareil qu’une petite voiture coupé.
Martin Rocaboy
L’un des avantages qu’on avait aussi pour la sensation de plaisir qu’on a tout au long du film, c’est la personnalité de Jean Rédélé sur laquelle on s’est beaucoup appuyé. C’était quelqu’un de très fantasque, de très amusant, avec une personnalité. Vraiment un fonceur qui donnait tout pour la course. Donc on a échangé avec beaucoup de gens qui l’ont rencontré, qui ont travaillé avec lui et qui nous parlaient de lui. Et à part le coup de la montre qui est une illustration du fait qu’il était capable d’être léger même dans des moments un peu tendus, mais qui historiquement n’est pas tout à fait réel, toutes les autres citations qu’il y a dans le film sont des citations réelles, des moments qu’il a vécus en course avec ses équipes et qui donnent aussi une certaine vérité et une certaine fraîcheur au film.
Combien de temps a pris ce projet de sa conception à sa finalisation, avec un gros travail évident de préparation et de production par Partizan et de post-production ?
Nicolas Lautier
En fait ce film là on l’avait raconté peu ou prou lors de la compétition. On savait qu’il y avait les 70 ans qui arrivaient avec la célébration à Dieppe fin mai. On l’avait donc raconté et il avait beaucoup plu, il restait à lui donner une forme qui soit intéressante, percutante et cinématographique. Parce que derrière, on a la chance d’avoir aussi des clients qui sont des vrais amoureux des voitures, qui sont amoureux de la publicité, du cinéma, du craft et qui poussent aussi énormément là-dessus. Donc ça c’est un vrai plaisir. Parce qu’un film ça ne se fait pas tout seul non plus. On l’a fait dans un temps plutôt court, le tournage était début avril. On va dire qu’on n’aurait pas été malheureux avec quinze jours minimum de plus.
Eric Astorgue
Les VFX ont fait un travail exceptionnel en fait, un boulot de dingue dans des délais assez courts. Franchement, Mathematic a super assuré. Ça a été très condensé et d’un coup, mais ce type de projet, on n’en fait pas tous les jours. En plus, là, pour abonder dans le sens de Nicolas tout à l’heure, le format c’est quasiment trois minutes et c’est vraiment très rare des annonceurs qui nous accompagnent et qui nous poussent à faire ce genre de choses, sans avoir effectivement un objectif commercial immédiat juste derrière. C’est juste de l’image et c’est super précieux.
Martin Rocaboy
Et même déjà là dans ce format, ça a été tout un travail de choisir les bonnes scènes, les bons moments. Il y a tellement de choses dans l’histoire d’Alpine qu’on a passé beaucoup de temps à travailler avec les historiens d’Alpine pour essayer de trouver les phases les plus représentatives. Essayer de voir à quel moment on arrivait à bien les dispatcher dans le temps. Et tout ça a été un travail d’un point de vue d’écriture, de conception du film qui était assez rigolo. Enfin, il y a des choses qu’on n’aurait pas pu faire si on n’avait pas vraiment travaillé main dans la main avec les clients. Les deux dernières semaines avant le tournage, tous les matins à 8 h, il y avait une réunion entre la prod et les clients pour essayer de trouver les voitures, trouver les façons de les emmener et tout. Bref, c’était très compliqué. Ça a probablement été plus drôle pour nous, que pour tous les amis de la production pour qui ça a été vraiment compliqué.
On arrive donc à la question essentielle, du choix du réalisateur : Pourquoi Antoine Bardou-Jacquet ?
Nicolas Lautier
Déjà parce que ce n’est jamais un mauvais choix ! On a déjà tous beaucoup travaillé avec lui. Éric et Martin aussi, énormément. Donc c’est quelqu’un qu’on connaît bien. Et puis on devait trouver quelqu’un qui soit très bon en live action et aussi en animation. Et Antoine, il a cette capacité, cette double casquette, à être bon sur les deux genres. C’est un vrai crafteur qui porte une attention folle sur la post-prod au moindre détail. Donc on savait qu’on allait avoir un film où le live action serait très beau et l’animation ne serait pas délaissée. Et inversement. On peut avoir des gens qui sont spécialisés dans l’animation, mais où le live action perd un peu de sa superbe alors que quand même, ce qu’on voulait raconter c’était un vrai film de bagnoles. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu un film comme ça, un film qui sent l’essence et l’huile de moteur quoi !
Martin Rocaboy
C’est aussi une des grosses qualités d’Antoine et une des raisons du choix, c’est que c’est lui-même un énorme fan de bagnoles. Dès le début, il savait comment il voulait filmer, à quelle distance des pneus et que ce soit pour le réel et pour l’animation et avoir la cohérence des deux et le passage. Et dès sa note, c’était très précis la notion rythmique qu’il avait lui du film et justement de cette notion de pulser du début à la fin et de ne rien lâcher pour retrouver l’excitation de l’aventure humaine qui a accompagné les gens d’Alpine. Et donc, Il avait un vrai plus de ce point de vue-là.
Eric Astorgue
Pour revenir sur le choix de Bardou-jacquet, on ne s’en rend pas compte parce que c’est hyper réussi, mais cette histoire de passage de la réalité au dessin animé, c’était plus que risqué. Et lui, il a fait ça magistralement bien et on n’en doutait pas ! C’est une des raisons aussi pour laquelle on l’a choisi.
Parlez-nous de la recherche pour la musique qui a aussi toute son importance dans la narration du film
Eric Astorgue
On avait l’idée d’une musique épique. C’était le mot principal pour définir la direction de ce qu’on attendait en musique. Et après ça s’est fait avec Start-Rec et l’ami Alex Jaffray pour une composition au final.
Martin Rocaboy
Au début on a fait des essais et on s’est vite rendu compte qu’en fait il faudrait composer à l’image. Parce que ce genre de film là, c’est tellement compliqué et il fallait aller tellement vite qu’on savait qu’il allait falloir travailler les deux chantiers en parallèle. Donc, à partir du moment où on a eu les premières animations qui venaient du côté d’Antoine, on a échangé avec Start Rec pour avancer sur cette composition pour souligner ce que disait Eric le côté épique de l’aventure, et en même temps en mettant l’émotion un peu humaine de tout ce que ces gens ont vécu ensemble. On aimait bien le fait d’avoir la voix à la fin comme ça, qui apporte un peu de légèreté et d’avoir une musique qui est présente, mais sans complètement écraser le film parce qu’on savait qu’il fallait que la place reste avant tout aux voitures. Et donc il y a ce jeu d’équilibre entre les deux qui était assez sympa à travailler avec les équipes.
Pour finir, y a-t-il un point que vous souhaitez particulièrement évoquer ?
Nicolas Lautier
Il y a un truc que j’aime beaucoup, c’est l’image de fin. Je l’aime particulièrement celle-ci, parce que je trouve qu’elle apporte un je ne sais quoi en fait à ce film à la fin. En tous cas, elle remet de la poésie, de l’émotion et quelque chose de très concret sur, encore une fois, ce qu’on racontait. Ce n’est pas quelque chose d’inventé, c’est une vraie marque, avec une histoire, beaucoup d’émotion et un petit truc d’esprit d’équipe en fait. On parle de Jean Rédélé, mais finalement, c’était une petite équipe il n’y a pas grand monde, qui aujourd’hui vit encore et revit. Et j’aime beaucoup ce petit clin d’œil sur cette bagnole-là. Cette photo en fait, résume tout, la passion de l’automobile, l’esprit d’équipe et surtout la légèreté. En une seule image.
Eric Astorgue
Oui, ce n’est pas du pipeau. Et puis ce qui nous a plu aussi là-dedans, c’est le coup classique qu’ils font dans les biopics au cinéma où il y a un film entier qui est sur Bob Marley et à la fin il y a des photos de Bob Marley en vrai, qui ramènent à la vérité de ce qu’on a vu. Tout ça a existé et ça, ça fait son petit effet.
Cette image-là de la voiture portée par l’équipe Alpine est aussi en animation à la fin du Rallye de Monte-Carlo
Martin Rocaboy
C’est réellement la façon avec laquelle ils célébraient les victoires à l’époque. A chaque fois, ils portaient en équipe la voiture pour montrer et prouver qu’elle était vraiment légère. Et c’est ce qu’on aimait bien aussi. C’était vraiment dire que chez eux, la légèreté était une espèce de philosophie, un mantra de vie qui se retrouvait dans tous les employés et qui était une légèreté physique pour les voitures, mais aussi une légèreté dans l’état d’esprit de gens qui ont envie de s’amuser et de prendre du plaisir. Et ce sont aussi des notions qui sont très simples mais qui aujourd’hui font un peu du bien, dans l’ambiance un peu dure qu’il peut y avoir un peu partout, de dire que parfois c’est juste bien de prendre du plaisir de façon simple et de s’amuser avec des gens cool.
En bonus, d’autant que sa parole est rare, le réalisateur Antoine Bardou-Jacquet nous livre son éclairage sur ce projet à la hauteur de son talent.
Le plus souvent sur une campagne de cette qualité, on s’interroge sur l’apport du réalisateur au script, au film. Connaissant votre filmographie, votre amour des voitures, on a envie de demander aussi ce que le film vous a apporté
Antoine Bardou-Jacquet
C’est vrai, c’est toujours un échange. L’agence est venue avec cette idée de raconter l’histoire de cette marque en utilisant la bande dessinée. Ce que j’ai apporté je pense, c’est de clarifier le concept. Au début, j’étais même parti pour faire le film complètement en animation, sauf le début et la fin peut-être. Mais les créatifs ont insisté, et ils ont eu raison de vouloir ces allers-retours entre la réalité, enfin les reconstitutions, et l’animation.
J’ai essayé de clarifier et de mettre en scène, en reprenant tous les éléments importants de la marque, des différents événements et de voir comment je pouvais les enchaîner d’une façon intéressante pour que ça donne au final un film qui soit marrant à regarder et pas effectivement une suite d’événements.
L’impression que j’avais en tête, c’était d’arriver à faire ressentir que l’ADN de cette marque c’est la course automobile et c’est la passion d’un homme et qui a traversé les années, ce qui est assez rare. Cette passion pour la course venant d’une marque indépendante française, c’est assez étonnant. Et c’était ça que j’ai essayé de pousser, en me disant qu’est ce qui est important pour cette marque ; cet événement-là, comment je peux l’accrocher, comment je peux le raconter et ensuite de déterminer ce qu’on va faire en animation, ce qu’on va faire en vraies images en fonction des voitures dont on dispose, des décors, etc….
De là, j’ai proposé que l’évolution du style de bande dessinée suive l’évolution des époques et appuie le côté saut dans le temps à chaque fois. Et donc de partir de la ligne claire « école belge », en essayant de suivre les styles des différentes époques. À mon avis, si on avait tout fait dans le même style de BD, ça aurait perdu de sa puissance évocatrice de traverser les époques. Ce que je trouve amusant, c’est justement de passer d’une époque à l’autre, d’essayer de me plonger dans les différents styles, essayer de déterminer comment ça marche, à quelle époque il y avait quoi et comment, et le design des voitures, etc., donc ça, c’était une partie marrante.
Et ça donne aussi l’impression de pages qui se tournent à vive allure
Antoine Bardou-Jacquet
C’est vrai que ça accélère aussi la narration, Quand on parle d’une époque, je trouve que c’est normal de se mettre dans le style de cette époque parce que ça aide le spectateur à visualiser, à se projeter dans un moment. Je trouvais ça important, en plus du plaisir graphique que je pouvais avoir à jouer avec ça.
Dans cette course effrénée sur circuit, il y a quand même une petite pause avec le plan de Jean Rédélé au volant d’une Alpine A310 qui croise dans la ville une femme conduisant elle aussi une Alpine
Antoine Bardou-Jacquet
Au départ, ça devait se passer à Paris avec tout un dialogue avec Jean Rédélé. Il se promenait dans Paris et croisait des Alpines dans les rues. Pour montrer qu’Alpine avait transformé ses voitures de courses en voitures de série pour tout le monde, toujours en mettant Jean Rédélé au centre de l’histoire.
Vous savez, c’était un film vraiment excitant à faire mais où il y avait énormément de contraintes. Déjà de respecter la vérité historique de chaque véhicule, de chaque course, dans chaque détail, et de répondre aux demandes du client pour montrer ce qui comptait, sans parler de l’ARPP ! C’était là un des challenges clé du film de raconter ce qui était important, en si peu de temps même si c’est quand même près de 3 minutes, et de respecter l’histoire.
On n’est pas habitué à voir en France une campagne avec cette ambition, avec tous les moyens mis en œuvre pour servir la création
Antoine Bardou-Jacquet
C’était un peu l’objectif aussi de montrer que c’est une marque française, mais avec des ambitions qui sont réelles. C’est vrai que je travaille sur ce type de projet ambitieux surtout à l’international. Eric et Martin, ce sont des très bons créatifs, j’ai déjà travaillé avec eux notamment pour Canal+. Ils ont fait des choses extraordinaires. Et j’ai toujours un grand plaisir à travailler avec eux parce qu’ ils respectent énormément mon travail, comme moi le leur. Donc on échange bien, c’est vraiment un boulot qu’on fait ensemble.
Comment avez-vous procédé pour les VFX avec Mathematic ?
Antoine Bardou-Jacquet
J’ai écrit le script, puis storyboardé en imaginant à chaque fois les transitions. Tout ça, ca été fait et réfléchi longuement. Ensuite on a fait un Animatic et une préviz en 3D du film pour voir comment on pouvait enchaîner tout ça, et pour savoir exactement quel plan il fallait que je tourne en réel pour pouvoir enchaîner avec, et de quelle façon avec les plans de BD et d’animations. Donc c’était assez bien préparé en fait.
Et pour répondre à la première question sur ce que m’a apporté le film, c’est déjà du plaisir parce que je fais avant tout ce métier pour ça. Et le plaisir du tournage avec ces vieilles voitures. J’adore les voitures anciennes, c’est un vrai truc. Donc c’était un vrai bonheur de pouvoir tourner ça. Et après, toute la partie animation est aussi quelque chose que j’affectionne énormément. D’essayer avec Mathematic de rechercher, de faire des concepts, des images, de rechercher les bons styles, pour se dire qu’elle est la bonne lumière, on est à Rome, on est la nuit, est-ce qu’Il pleut ? Enfin, toutes ces choses-là qui essaient de ramener de l’ambiance. Et je salue d’ailleurs l’équipe de Mathematic qui a fait un boulot vraiment chouette, je dois dire remarquable, et dans un laps de temps assez court. Je les remercie vivement parce que c’est vraiment super ce qu’on a réussi à faire ensemble, et qu’ils aient réussi à le faire dans les temps. Moi je doutais un peu de ce qui allait se passer !
En fait, il y avait une vraie entente. Je pense que ça s’est bien passé grâce à ca. Il est vrai que c’est un projet vraiment intéressant à faire, et des comme ça il n’y en a pas 1000 tout le temps ! En plus, on a fait ça sans intelligence artificielle. J’ai l’impression qu’on va être dans les derniers films à avoir été faits par des artisans. Ça va changer…
Guillaume Marien de Mathematic nous apporte quelques précisions sur les VFX, avec un break-down révélateur à l’appui
Nous avons réalisé toutes ces séquences en 3D avec ensuite différentes étapes pour atteindre les styles attendus. Donc du cell-shading mais pas seulement et également des petits détails ajoutés en 2D à la toute fin, comme par exemple un soin très important pour tous les VFX et les typos.
L’idée était de créer une progression dans les styles, du plus traditionnel au plus moderne afin de marquer la chronologie de cette histoire et de varier les plaisirs. La difficulté étant qu’en temps assez restreint, 6 semaines, il a fallu aboutir 9 look dev et styles.
S’ajoute à cela un travail sur les transitions, la présence d’animation dans du live qui permet de lier les choses. Une rigueur particulière a été accordée au respect de la véracité des décors et des assets, afin de ne pas commettre d’anachronismes. Enfin, nous avons travaillé sur des effets classiques, une voiture réaliste en 3D dans un plan live, le trucage de la neige, de reprises de décor et de la finalisation un peu partout.
Au final, un travail varié et dense, et un projet qui s’est vraiment bien déroulé dans un laps de temps restreint.