Le groupe TBWA a de nouveau fait appel à l’équipe française de Standard et ses réalisateurs Jesse et Louie Salto pour la nouvelle campagne Nissan All-Mode Range, diffusée en Russie destinée à mettre en avant les performances des modèles Juke, Pathfinder et X-Trail.

Une fidélité qui semble se justifier au vu du film spectaculaire aux scènes impressionnantes pour mettre en valeur les trois modèles dans une succession de situations extrêmes parfaitement cinématographiques.


Le film, qui rassemble dans sa version finale les trois films prévus à l’origine, à la hauteur des espérances mises, est le fruit d’une longue aventure où annonceur, agence, réalisateur, producteur et post producteur ont été des partenaires actifs et fortement impliqués. Une entreprise de longue haleine qui ressemble fort à l’équipée virile et sportive mise en scène dans le film et dont témoignent le directeur de création de TBWA Moscou Andrey Ivanov, Nicolas Rocca Serra directeur commercial de TBWA/G1 Paris, Fabrice Damolini responsable chez Mikros et les Salto -avant le ok final – dans une interview croisée. Julien Pasquier y apporte son éclairage de producteur avisé avec des anecdotes faisant sens comme un rappel plein d’humour de ce qu’est la réalité quotidienne d’un tournage, en extérieurs de surcroit : une vie communautaire pleine de bonnes et mauvaises surprises pour mener à bien un projet et dont on ne retient que les moments solidaires.

 

-Cela fait plusieurs fois que les Salto Brothers font des films pour Nissan, notamment pour le marché slave. Quels sont les enjeux pour un pays aussi particulier que la Russie, faut-il tenir compte de spécificités locales dans la narration ? Y a- t-il une sorte d’ADN pour ce genre de films ?

Andrei Ivanov :

We do not separate communications for Europe and Russia we make one style for all the markets. There are some particularities that might have to do country’s legislation or specifics, e.g. guys playing hockey in Pathfinder commercial.

Nicolas Rocca Serra :

Une création publicitaire doit s’adapter à son audience et la Russie n’échappe pas à cette règle. La bonne nouvelle lorsqu’on travaille une copie auto c’est que les restrictions légales sont beaucoup moins contraignantes qu’en France par exemple. Ces films n’auraient jamais pu voir le jour ici !

La collaboration entre TBWA et les Salto pour Nissan Russie a commencé en 2011 avec un premier film Teana sur le segment premium. L’année suivante nous avons une nouvelle fois fait appel à eux pour le film Almera, car le script correspondait parfaitement à leur univers. Puis en 2014 lorsque le projet « All Mode » s’est présenté nous nous sommes naturellement tournés vers eux. C’est une forme de fidélité dans la collaboration qui assure également une ligne directrice à la marque sur le marché russe avec, oui, un ADN, et une patte commune.

Salto Brothers:

Le dénominateur dans l’ADN de ces films, c’est le côté épique. Il y a dans les créations une recherche et une volonté de créer des mini épopées, des mini fresques homériques, odes aux voyages et aux grands espaces. Pour nous qui aimons les grands films d’aventure, les grands espaces, et les road movies, c’est du pain béni.

De plus, ce qui paraitrait casse-cou en Europe, les Russes le font et le voient tous les jours. Alors on a un peu poussé le curseur.

Julien Pasquier :

D’abord il faut parler Russe, nous avons donc pris des cours accélérés pendant la phase de compétition, cela n’a pas été simple car ce n’est pas une langue facile. L’autre gros gène qu’il fallait c’était celui du divorce, la prod s’est étalée sur 6 mois avec des tournages en juillet et aout. Toutes les vacances annulées ! Un plaisir à annoncer aux familles.

Enfin, il faut conduire Russe, une phrase me revient, « Russian Styyyyyle !!! » qu’on devait hurler à l’oreille de Pascal Garnier, le precision driver avant chaque séquence voiture.

 

making-of 1

-Quelles sont les qualités requises pour ces films et reconnues aux Salto ? Comment se mesure le succès de leur style là-bas ?

Andrei Ivanov:

First of all it’s the modern and bright approach The Salto Brothers have. Despite the fact that we have been working for a long time now we are still surprised by their approach be it the style they want to shoot it or dynamic edits. They are able to bring something new to the process every time. Everything meets our expectations

Nicolas Rocca Serra :

La sensibilité créative, l’endurance, la force de conviction mais aussi l’art de la négociation sont des qualités nécessaires pour travailler sur le marché russe. Après 6 films, on peut dire qu’ils ont su parfaitement s’adapter à leur environnement ! Chez TBWA, nous aimons leur générosité humaine et leur passion pour les techniques cinématographiques.

Julien Pasquier :

Une grosse capacité à tenir la vodka évidemment. Pareil que la langue, nous avons dû être formés par l’agence, les commerciaux se reconnaîtront…

 

-Comment s’appréhende la collaboration avec deux réalisateurs ? Qu’est-ce que ça apporte au projet et comment les Salto se partagent-ils le travail ?

Andrei Ivanov :

It is truly amazing to have two directors. On one hand when it comes to creative process they supplement one another and we get the best out of their joint work. On the other hand, when it comes to actually shooting the material, having two directors is very useful in terms of logistic. While Jessy is shooting a river jump, Louie far up in the mountains shooting the pack shot

Nicolas Rocca Serra :

Comme des jumeaux (qu’ils ne sont pas) il y a des relations qu’on ne s’explique pas ! Mais leur complémentarité et cette double énergie sont sans doute un facteur primordial pour tenir un projet à bout de bras durant presque un an.

Julien Pasquier :

La répartition du travail entre les deux frères est assez complexe, il faut toujours réussir à trouver un Starbuck et une boutique Leica Vintage à moins de 2 km. Une fois ces conditions réunies, ils se mettent au travail facilement.

Les Salto Brothers précisent :

En fait, c’est un processus assez organique. On ne fait pas de vraie séparation des tâches mais il y a des spécificités qui se sont dessinées au cours des années. Ça nous permet de constamment confronter nos idées, d’avoir deux points de vue sur chaque problème. Et puis l’énorme avantage, surtout sur un projet aussi ambitieux que celui-ci, est que ça nous permet de nous scinder en deux équipes distinctes en maintenant une vision unique.

Making- of 2

-Quelles ont été les difficultés principales du projet, prévues et imprévues ?

Andrei Ivanov :

Weather was the main difficulty like mud instead of snow in Cordilleras or constant rain in Slovenia. Other than that all went according to plan.

In my opinion the hardest part was the logistics of the process. Getting the car to the mountains, changing parts of interior to matches the model in Russian market etc. And of course building of the stunt park was truly a difficult task. Nevertheless I think the production house Standard did a very good job I see them as one of the best in the business. 2 months of shooting were organized on a top level.

Nicolas Rocca Serra :

Sans doute la longueur du projet (1 an et demi côté agence de la prise de brief à la livraison du film) qui met les organismes, les esprits et la Team à rude épreuve.

Salto Brothers :

Dès le début il y a beaucoup de difficultés « prévues ».

Tout a donc commencé par une réunion avec les différentes équipes, puis il a fallu procéder pas à pas et faire environ un million d’allers-retours avec tout le monde. Après l’étape storyboard, on a commencé à faire des croquis puis des maquettes 3D avec un concept artist. Ensuite, nous avons fait des maquettes filmées avec du carton et des majorettes, puis montré le tout pour avoir les retours et l’expertise de Jean-Pierre, des chefs constructeurs, de Mikros, des productions exécutives. Tout ça a permis de faire ensuite des animatiques 3D assez précises avec Mikros qui ont servi de base de communication entre nous.

Ce qui était difficile : concevoir des cascades qu’on allait parfois tourner à trois endroits différents. Lancer les constructions alors qu’on était toujours en repérages, coordonner les équipes réparties sur les trois pays, tout en faisant valider par l’Agence et le Client des éléments très sensibles en terme de temps, parce que tout devait s’imbriquer. Le plus dur c’était vraiment ça : assembler le puzzle alors qu’on avait les pièces au compte-gouttes. Ça a été beaucoup de jours et de nuits à se triturer les méninges, mais il fallait construire au fur et à mesure et faire confiance à nos instincts.

Les imprévus, c’est tout ce qui arrive malgré des préparatifs extensifs : une tempête qui empêche les hélicoptères de s’approcher du décor, la neige parfaite qui se transforme en bouillabaisse dans la nuit avant de tourner, réinventer le découpage et retrouver de nouveaux décors le jour même, lutter contre une pluie incessante alors qu’on tourne sur des rafts dans un torrent de montagne qui prend 40 cm dans la journée, jongler avec la météo du studio extérieur pour la faire correspondre aux prises sur le terrain. Bref, beaucoup de choses liées à la météo, sinon, le reste, et compte tenu du contexte, a plutôt bien roulé.

Fabrice Damolini :

C’était un projet très intéressant en post-prod car les enjeux et le défi VFX étaient importants. Il y a beaucoup de VFX, quelques plans full CG mais on s’est aussi appuyé sur le boulot formidable fait par les FX directs (Jean Pierre Grandet et son équipe) et les talents des conducteurs de précision (Christian Bonnichon et son équipe). L’intérêt de notre travail est aussi de mixer ces techniques. Le tout CG n’est pas toujours LA solution.

Il fallait rendre crédible et facile le franchissement d’obstacles apparemment insurmontables. Ce ne sont que des effets « invisibles » et toute la difficulté de ce type d’effets est de les intégrer au reste du film réel sans qu’ils dénotent. Les films étant tournés en pleine nature ou sur des éléments existants, les décors n’étaient pas toujours adaptés aux plans : il a fallu les faire correspondre à la vision des réalisateurs.

Ce qui n’est pas simple dans un projet de cette durée (quasiment 5 mois entre la préparation et la livraison des derniers plans, ce qui est plutôt rare en pub) c’est de garder la concentration tout au long de la fabrication et une cohérence sur tout le film. Mais on avait une très bonne équipe et les relations avec les réalisateurs ont toujours été constructives.

Julien Pasquier :

Il n’y a eu aucun imprévu sur ce projet ni aucune difficulté.

 

-Y a-t-il eu des choses vraiment « particulières » à gérer ?

Salto Brothers :

La vraie particularité ça a été de construire les films autour de ces traversées fantasmées des voitures, et que forcément tout le monde s’imaginait un peu différemment. Comme il n’existait rien au départ, et pas de situation ou de décor réel sur lequel s’appuyer, le plus dur a été de trouver comment communiquer une vision identique à tout le monde, et de la construire de concert avec les équipes en terme de faisabilité, que ce soit à la construction des décors, au tournage ou en post prod.

Fabrice Damolini :

Certains plans d’un même film (voire d’une même séquence) n’ont pas été tournés dans les mêmes pays. Un des enjeux a donc été de faire raccorder l’ambiance, la lumière, le décor et même les ciels d’un plan à l’autre. On ne peut pas dire que la météo a vraiment été de notre côté.

Julien Pasquier :

J’ai travaillé avec Alexia Levy comme directrice de production, je n’ai pas eu accès aux problèmes malgré mes nombreuses sollicitations. Une fois j’ai relevé une faute d’orthographe sur une feuille de route mais surement due à un problème de traduction.

 

Making-of 3

-Comment garder une forme de continuité sur un projet aussi long et étalé sur plusieurs pays ? Et l’énergie nécessaire?

Andrei Ivanov:

For this I have to thank the team at G1. It was hard to loose continuity or consistency due to their high level of professionalism. How to keep the energy? It’s my secret which I will not share

Nicolas Rocca Serra :

C’est sans aucun doute la solidarité humaine formée autour de ce projet qui a permis d’y venir à bout dans les termes du contrat énoncé 1 an plus tôt. Le duo de réalisateurs est bien sûr un élément très important de ce projet. Ils pouvaient assumer à tour de rôle les (maintes) réunions agences-clients, qui peuvent être chronophages mais aussi energie-phages !

Pour ma part je pense que seule la relation créée et l’esprit d’équipe entre Nissan Europe et Nissan Russie, TBWA à Paris et à Moscou, la production Standard, les Salto ainsi que tous les intervenants ont rendu cette aventure et le résultat possibles.

Julien Pasquier :

10 000 km en minibus avec des gens sympathiques comme Alex Lamarque ou la gentillesse de nounours@ Vincent Champagnac notre assistant réalisateur nous ont permis de garder une continuité dans les vannes, moteur d’une énergie de groupe.

Salto Brothers :

Pour nous, le plus important était d’imaginer une continuité de mise en scène sur le projet, avec des plans « signature » qu’on faisait à chaque fois dans les trois destinations. Cette symétrie donne le ton et le style des films qui étaient déjà thématiquement imbriqués dans la création.

Et puis on avait évidemment le même chef opérateur, Alex Lamarque, mais aussi le même premier assistant pour tout le projet, ce qui assure une continuité visuelle, mais aussi de méthode de travail.

Quant à l’énergie, pour commencer on était très bien entourés par notre directrice de prod Alexia Levy et notre producteur Julien Pasquier. On l’oublie bien souvent mais ce sont 2 pièces essentielles du processus qui étaient vraiment là pour le film et pour nous épauler. Et puis l’excitation d’attaquer ce genre de projet complexe mais assez gargantuesque nous donnait toute l’énergie dont on avait besoin. Il ne restait plus qu’à la communiquer aux équipes.

 

-Quels ont été les moments forts de cette expérience ?

Andrei Ivanov :

There many moments to remember like shooting in Chili 4 000 meters above the sea level. Stunt park we built in Slovenia to shoot all the stunt scenes. There we had winter in one part of the park and fall in the other. Being a part of this process was truly great. Oh, there is another thing I remembered, actor jumping into ice cold river about 50 times during x-trail shoot.

Nicolas Rocca Serra :

Bien sûr ces moments d’aventure unique comme à 4 000 mètres d’altitude sur les glaciers de la Cordillère des Andes… mais aussi la grande aventure humaine et la solidarité mise à l’épreuve dans les Alpes slovènes lorsque tous les éléments naturels se déchainent contre nous !

Salto Brothers :

Ce projet a été une longue suite de moments forts. En convoi d’hélicoptères dans les Andes avec la neige et la grêle, se poser sur un glacier, parcourir des kilomètres de routes, parfois de pistes en terre, que ce soit au Chili ou en Slovénie, pour trouver nos décors, arriver sur notre « jungle studio » en Slovénie et découvrir les constructions à échelle réelle des 3 ponts, le travail avec Jean-Pierre Grandet, notre chef des SFX et aussi avec l’équipe de cascades de Christian « Kiki » Bonnichon.

 

Julien Pasquier, qui était bien sûr aussi présent sur les glaciers (et n’a pas souffert du mal des montagnes) nous livre sa vision en conclusion:

J’ai évidemment beaucoup d’images en tête. Les 4 PPM de 7 heures resteront gravées en moi pour longtemps. Ces booklets de 100 pages avec des références de caillou ou de mousse à présenter en conférence vidéo m’ont beaucoup ému. Évidemment les grandes parties de rigolade entre les 37 intervenants tous plus importants les uns que les autres. L’organigramme des décideurs de chez Nissan que je n’ai jamais vraiment réussi à terminer. Les points météo quotidiens où il fallait décider de bouger un plan de travail de 200 personnes restent aussi des très bons moments conviviaux.

 

Le Making of d’une journée de tournage par Julien Pasquier,